LE RESSENTI D'UN SPÉCIALISTE DE L'OPÉRA LES 28, 30 ET 31 JUILLET 2022
TOSCA IDOLATRATA,
OGNI COSA IN TE MI PIACE
Olivier BRAUX
« Tosca adorée, en toi tout me plaît. » Comment ne pas se couler dans l’envolée voluptueuse de Mario à la fin du duo du premier acte pour parler du spectacle vu le 28 juillet à Plazac et les 30 et 31 à Saint-Léon-sur-Vézère ? Scène largement ouverte et peu profonde en plein air ; resserrement et ligne de fuite fortement marquée par les voûtes romanes de Saint-Léonce : c’est comme l’éventail de l’Attavanti dans la main de Fabienne Conrad, ouvert d’un coup de poignet nerveux, refermé d’un coup sec. Et tout aussi efficace. La mise en scène de la diva elle-même – « Con scenica scïenza io sapro la movenza / Avec le métier de la scène je saurai m’y prendre. » -, d’heureuse facture classique, réserve quelques belles idées.
Elle refuse d’abord le vin d’Espagne que le baron lui propose « pour se réconforter » mais, d’abord acculée au viol que seul le roulement de tambour scandant le passage du cortège des condamnés à mort lui a évité, renversée sur le bureau par un Scarpia pantelant de concupiscence, s’engouffrant sous sa robe ; elle remplit et vide le verre où le baron n’avait versé qu’une « larme », pour se donner le courage… du consentement au viol qui doit sauver Mario de l’échafaud.
Autre moment – avec la cantate – qu’on ne voit généralement pas : le passage sous les hauts murs du château Saint-Ange du berger avec son troupeau. Cette page, la plus belle peut-être de l’œuvre, la plus poétique à coup sûr, qui décrit le lever du jour sur Rome – il est quatre heures du matin, les cloches vont bientôt sonner en s’étageant dans l’air limpide jusqu’au lugubre bourdon de Saint-Pierre – trouve dans le chant de Charlotte Campilo une grâce délicieuse après les violences de l’acte précédent et avant le quiproquo tragique qui va suivre.
Les appels à pleine voix de Tosca : « Mario ! Mario ! Mario ! » sous la nef de Sant’Andrea delle valle, les galipettes des gosses et le tohu-bohu préparatoire au Te Deum du premier acte nous rappellent que l’église romaine dans sa profusion – il y en a 280 ! – est moins un lieu de culte , moins encore de prière, qu’un passage urbain soumis aux travaux et aux heures du jour, éventuellement vibrant – avec la superbe Tosca – de sensualité et même d’érotisme.